-_-" Après un siècle sans post, je mets le chapitre 5!
Je suis désolée d'avoir pris autant de temps, mais c'est comme ça... J'ai trouvé un nouveau truc pour écrire plus, je traîne mes feuilles dans mes cours ^^ et je fais une petite dédicace au forum dans ce chapitre, vous verrez de quoi je parle...
Chapitre 5
Tarlos-Assah? Ça va?
Je me retournai vivement dans ma couche, Lonian était penché au-dessus de moi et me regardait avec une expression inquiète sur le visage. J’affichais de grands yeux effrayés et je tremblais, mon corps tout en sueur.
Lonian avait très certainement deviné que je sortais d’un cauchemar horrible, mais il ne savait pas qu’il s’agissait de ce rêve. Le rêve. Celui qui m’avait hanté durant toute mon adolescence, celui qui se finissait par une sinistre phrase, celle que je redoutais le plus.
Il s’était déroulé exactement de la même manière que la fois précédente, à une seule différence : je n’avais pas douze ans, mais dix-huit, mon âge actuel.
Je me baignais avec mes deux frères aînés dans le lac qui bordait la ville, à l’est. Un envoyé de notre père venait nous prévenir, ainsi que notre nounou, que le roi nous requérait pour le repas du soir. Nous soupirions tous grandement, déçus de voir ce moment de joie se terminer. Je quittais subtilement mes aînés pour m’enfoncer dans la forêt luxuriante bordant le grand lac. Je cueillais des fleurs en oubliant ma famille et le repas, grignotant quelques framboises et mûres au passage. La brume s’installait d’un coup, au même moment où le soleil jetait ses derniers rayons sur les feuilles des arbres grandioses. La noirceur devenait totale, trop rapidement pour un jour d’été. La peur m’étouffait aussi sûrement que le froid s’emparait de tout mon être. Je frissonnais énormément, je regardais tout autour de moi dans l’espoir d’apercevoir une lumière ou une personne qui serait en capacité de me réconforter.
Après quelques minutes d’errance, une lueur apparaissait au loin. Je courais vers cette source lumineuse qui me consolait énormément dans la noirceur oppressante des lieux. Je freinais ma course folle à seulement un mètre de l’homme encapuchonné. Il tenait une simple bougie à la main, je discernais ses lèvres pincées et le bout de son nez fin, mais ses yeux étaient cachés à ma vue. J’ouvrais la bouche pour le remercier et l’implorer de me reconduire chez moi, mais il m’interrompait en levant sa main libre, puis il prenait la parole :
Tu as un futur, mais…
Ma frayeur chuta considérablement lorsque j’ouvris les yeux à ce moment et que je découvris le beau visage de Lonian.
-Ça va? Répéta-t-il.
-O…oui, bégayais-je, me rendant compte que le rêve était fini et que je me retrouvais à nouveau dans la réalité.
J’étais allongée de travers sur mes couvertures et ma robe me collait à la peau. Lorsque j’aperçus la cape qui était attachée à mon cou, je poussai un cri de terreur et je commençai à me débattre frénétiquement en gémissant et en griffant le tissus. Lonian me pris les épaules et m’imposa délicatement le silence et le calme. J’éclatai en sanglots incontrôlables, me jetant dans les bras de Lonian comme une gamine dans ceux de sa mère. Je pleurais sur mon ancienne vie que je ne retrouverais peut-être pas, sur mon sort, sur le fait que mon pire souvenir avait refait surface en moi, sur tout ce qui m’arrivait à ce moment. Lonian me caressa tendrement les cheveux en me chuchotant des paroles réconfortantes, je ne les comprenais pas, mais je lui en était très reconnaissante. Je continuai à pleurer pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce que Lonian me redresse, m’obligeant à le regarder dans les yeux.
-Tu n’as pas à t’inquiéter, nous ne voulons pas te faire de mal, murmura-t-il.
J’étouffai un sanglot et je hochai légèrement la tête en signe de compréhension. Immédiatement, je me suis demandé pourquoi j’avais acquiescé si rapidement, je ne les connaissais pas et je n’avais aucune raison valable de les croire, ils m’avaient raconté des choses qui pouvaient simplement sortir de leur imagination pour me berner. Mais dans mon for intérieur, j’éprouvais une confiance presque aveugle envers ces étrangers, particulièrement Lonian. Je ne pouvais m’empêcher de croire à l’histoire qu’ils m’avaient présentée.
Mon regard se posa sur l’anneau en or qu’il portait toujours au doigt. Il l’observa également un moment avant de retirer ses mains de sur mes bras encore tremblants.
-Je t’avertirai lorsqu’il sera temps de manger, conclut-il en se retournant pour aller réveiller Verelia.
Je me demandais pourquoi elle ne l’avait pas déjà fait avec tout le bruit que j’avais provoqué, mais je ne m’en souciai pas plus.
Je me suis lentement essuyé les yeux avant de me mettre en position assise. Je remontai les genoux devant moi et j’enfouis mon visage dans les replis de mes jupons en me tenant la tête de mes bras. J’entendis vaguement Lonian discuter avec Verelia et un feu qui crépitait.
Il ne restait plus qu’une demi-journée de cheval à faire pour atteindre Tarlos. Nous nous étions arrêtés dans un bosquet d’arbres pour dormir. Je n’avais pas beaucoup parlé, Lonian et Verelia semblaient toujours en grande conversation. J’aurais bien aimé savoir de quoi ils traitaient, mais leur langue m’en empêchait.
Lonian m’appela, je me levai en m’étirant avant de les rejoindre au bord du feu.
Nous mangeâmes un frugal repas composé uniquement de pain et de quelques baies sauvages. Nous montâmes en silence sur nos chevaux, revigorés par leur nuit et nous quittâmes les lieux, toujours en direction de l’est. Sur la petite route de terre, nous rencontrâmes quelques voyageurs en selle ou en charrette. Ils écarquillaient tous les yeux en me voyant, la bouche ouverte la plupart du temps. Une fois, nous croisâmes une petite famille. Une fillette se jeta sur sa mère en criant :
-Maman, maman! Regarde la dame! On dirait une princesse avec ses esclaves! Tu as vu?
La mère la fit taire d’un geste de la main, elle nous regarda avec un air désolé avant de se retourner.
J’eus un petit sourire gêné et je n’osai plus croiser le regard de Lonian, embarrassée par la situation. Lorsque nous fûmes plus loin, Lonian m’expliqua qu’il en était ravi, car cela permettait de détourner l’attention des gens du visage de Verelia. J’acquiesçai dans un grand soupir, soulagée.
Quelque peu avant midi, nous aperçûmes la fumé qui s’échappait des premières maisons de Tarlos. Verelia fit tourner sa monture. Sans me poser de questions, je quittai la route également.
-Assah, tu viens avec moi, déclara Lonian.
Je me retournai, il s’était arrêté et me regardait.
-Verelia ne vient pas car ça pourrait devenir dangereux, reprit-il, allez, viens.
Je hochai la tête en signe d’accord et je le rejoignis.
-Ne parle pas s’il y a un garde, tiens-toi la tête basse et essaie d’avoir une expression timide et coupable.
-Compris, répondis-je en faisant ce qu’il me disait.
Comme de fait, un homme en armure se tenait à l’entrée du village, une lance à la main. Il semblait s’ennuyer et se demander ce qu’il faisait là. Je me dis qu’il avait raison d’afficher cette mine, peut de voyageurs passaient par-là et le village était trop petit pour qu’on prenne le temps de le piller.
-Que venez-vous faire ici? Qui est-elle? demanda le garde.
-Je la ramène chez elle, ma cousine avait volé cette robe pour la revendre à Alagir et avoir de quoi subsister avant de se trouver un travail.
Je baissai encore plus la tête, espérant qu’il serait convaincu.
-Mouais, assurez-vous qu’elle ne recommence pas son petit tour, marmonna-t-il avant de dégager la route pour nous laisser passer.
Nous remîmes les chevaux au pas, Lonian tourna à la première rue que nous croisâmes. Les habitations étaient toutes simples, en bois, avec deux ou trois trous en guise de fenêtres et une porte, également en bois, qui ne semblait pas bien solide. Plusieurs enfants habillés pauvrement et la plupart du temps, seulement en pantalon crasseux, couraient dans les rues, criant à qui mieux mieux ou fuyant leurs parents par crainte d’une punition quelconque. J’aperçus également deux chiens qui gambadaient près des enfants.
Quelques femmes parlaient entre elles, se rendant au marché. Elles étaient vêtues de robes simples, avec des couleurs ternes allant du beige au noir, en passant par le blanc. Certaines d’entre elles levèrent les yeux pour me dévisager un moment, mais elles finissaient par hausser les épaules et recommencer leur conversation.
J’étais ébahie, c’était la première fois que je me retrouvais dans un village campagnard. Lorsque je sortais de l’enceinte du château, c’était pour faire une randonnée à cheval dans la forêt ou pour assister à des réceptions dans les quartiers riches de la ville. Je ne m’étais jamais vraiment rendue compte de ma richesse, de la différence de nos mode de vie. Je voyais le forgeron suer pour faire vivre sa famille, le boulanger crier à son employer qu’il ne faisait pas son travail de la bonne façon et les femmes qui lavaient les quelques vêtements qu’ils possédaient dans la rivière qui séparait le village en deux.
Pour moi, leur vie se composait uniquement d’interminables baignades, de nombreux festins familiaux bruyants et enjoués, de courses dans les champs avec les enfants, en bref, d’une liberté totale et épanouissante.
Je me trompais.
Seul les plus jeunes enfants s’amusaient, les adultes travaillaient, aidés par leurs adolescents. Des éclats de rire nous arrivaient de temps à autre, mais la plupart des gens semblaient déjà las de leur corvée.
J’avais honte. Combien d’entre eux auraient volontiers accepté de subir toutes les soirées mondaines auxquelles j’assistais et les cours qu’on ne cessait de me donner pour avoir accès à toutes mes richesses?
La majorité, assurément.
Tarlos devait abriter environ huit cents personnes, sans compter les quelques fermes qui devaient se trouver plus loin dans la vallée.
Nous arrivâmes au marché, Lonian n’avait pas dit mot, il dirigeait son cheval la tête haute, sans expression. On pouvait y trouver plusieurs produits, il y avait une boucherie, un vendeur de fruits et de légumes (pommes, citrouilles, patates, courges, etc.), un apothicaire et nombre d’autres. Nous nous arrêtâmes devant un petit bijoutier. Il présentait plusieurs colliers en cuivre, des bracelets en bronze et il y avait quelques autres apparats en argent ou en or, quelques fois sertis de pierres plus ou moins précieuses.
Lonian descendit de sa monture pour se diriger vers la mienne. Il fouilla dans un des sacs et en retira les bijoux, protégés par des morceaux de tissus. Lorsque le bijoutier le vit se tourner vers son étalage, il arbora un grand sourire qui se voulait charmeur et honnête.
-Bonjour, brave homme, s’exclama celui-ci, que puis-je faire pour vous combler?
-Je viens pour vous vendre des bijoux, déclara-t-il d’un ton plutôt froid.
Le marchand, comprenant que son client n’était pas venu là pour fraterniser, prit un air plus professionnel. Malgré son expression légèrement offusquée, il resta poli et courtois avec Lonian.
-Bien, montrez-les moi, que je puisse vous faire une offre.
Lonian déposa les paquets sur la table et les ouvrit, laissant voir le collier, les boucles d’oreilles et la bague. À ce moment, une étincelle brilla dans les yeux du vendeur, n’ayant certainement pas souvent l’occasion d’acquérir tant de bijoux de prix.
Je n’ignorais pas qu’il était plus impressionné que je le fus lorsque mon père me les avait offert, mais on s’apercevait bien qu’il s’efforçait de maintenir le professionnalisme que son métier exigeait afin de calculer un prix d’achat.
Il fit mine de réfléchir pendant quelques secondes, les yeux rivés au ciel et la main sur le menton. Il ramena son regard à Lonian et sourit.
-Je vous propose cinquante-quatre kheris et quatre bakas, annonça-t-il.
Après un court instant, Lonian répondit :
-Non, ce n’est pas suffisant, j’en veux au moins soixante-dix.
Le vendeur en proposa soixante, Lonian exprima son mécontentement.
Je le comprenais, les bijoux valaient largement plus que soixante kheris.
Le marchand finit par les acheter à soixante-sept kheris et quatre bakas. Lonian récupéra les pièces de cuivre en silence et monta sur son cheval baie. Heureusement, nos chevaux ne semblaient pas déranger, il y avait quelques autres cavalier dans les rues.
J’étais habituée qu’on me regarde, mais en général, les gens étaient emplis d’admiration à mon égard, mais ici, on me dévisageait, ne connaissant pas mon ascendance royale. Ces yeux brouillés de curiosité me troublaient, je me sentais totalement étrangère et déplacée dans ce milieu.
Soudainement, le mal du pays m’envahit, je n’étais pourtant pas si loin de chez moi!
Perdue dans mes pensées, je ne fis pas arrêter ma jument lorsque Lonian immobilisa sa propre monture. Lorsque je fus à sa hauteur, il m’interpella d’une voix amusée. Je sortis des vapes aussitôt.
Un jeune garçon d’environ quinze ans se tenait maintenant devant nous, des paquets sous le bras. Il nous observa un après l’autre, le front et les yeux plissés. Cet examen dura pendant un bon moment, il finit par ouvrir la bouche, surpris, avant de déguerpir dans une ruelle.
Lonian secoua la tête, comme pour sortir de sa torpeur. Il se tourna vers moi, me regarda, éberlué, et finit pas hausser les épaules, voulant dire quelque chose du genre « bah…tant pis! ». J’en fis de même et nous descendîmes des chevaux.